Page:Renee Dunan La Culotte en jersey de soie 1923.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
73
LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

— Je n’ai pas d’amant, Madame, et n’en ai jamais eu…

Elle me regarde avec colère :

— Avec des yeux aussi fatigués que cela vous voulez me faire croire que vous étiez seule la nuit dernière…

— Certainement, Madame !

Elle se lève :

— Je vous avais crue sincère…

Elle me reconduit par une enfilade de couloirs. Près de la porte, avec un sourire redevenu cordial, elle me tend quelque chose. C’est un billet de banque.

— Allez, mon enfant ! Vous ne serez pas venue me voir pour rien.

Je me cabre :

— Madame, je ne vous ai rien demandé. Je ne veux rien devoir à personne. J’accepterai de l’argent de celui seul qui aura reçu une valeur égale de moi en échange…

— Vous-même, je pense ?… dit-elle d’une voix qui siffle.

— Parfaitement, Madame. J’aime mieux me vendre que recevoir la charité.

Je revins lentement vers le centre de Paris. Les alentours du lieu où j’avais trouvé l’hôtelière généreuse et timorée me semblaient les seuls près desquels je fusse chez moi. C’était là qu’un garçon de bar m’avait apporté des petits pains avant qu’il me fut nécessaire de les lui demander… Voilà un acte qui rachetait pour moi la féroce sottise et la dureté des humains. Bientôt je revis la table ou j’étais le matin. Elle m’attira. Je m’y retrouvai devant la traditionnelle tasse au liquide brun opalin.

J’étais là, depuis un quart d’heure, à me demander où je coucherais la nuit proche lorsqu’un couple vint s’asseoir non loin. La femme âgée et forte avec des yeux aigus et une bouche fine,