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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

me suivit. Dans le couloir en bas elle me parla : Vous savez, ma petite, hier soir je n’ai pas voulu vous voyant si défaite, vous renvoyer, mais ne revenez pas ce soir. Il n’y aura rien de fait ni au même prix ni plus cher…

Elle me regarda un instant et ajouta :

Rentrez donc dans votre famille, allez ! Ça vaudra mieux.

Je sortis.

Le soleil dorait les façades. La rue Saint-Denis était un étalage remuant de comestibles dans des petites voitures. On m’appelait au passage pour m’offrir mille choses. Je ne regardais personne. Une nouvelle peine me serrait le cœur. Ainsi non seulement j’allais me heurter à tant de difficultés devinées pour gagner ma vie, mais pour trouver un lit il faudrait livrer un autre combat et sans doute être vaincue encore.

Ne pouvoir compter dormir en paix. Pas même en payant…

Je cherchai des yeux une enseigne de café Biard. Quand je l’eus trouvée je m’y précipitai. C’était le vrai refuge.

Cette fois je m’assis. Timide, je n’avais encore pris ce parti. Je ne saurais dire quelle reconnaissance j’eus au garçon qui spontanément m’apporta la corbeille aux petits pains avec la tasse de café que je lui avais demandée.

Je me pris à réfléchir. Il avait suffi que ce garçon me donnât une marque si petite de compréhension sympathique pour que les vapeurs disparussent de mon cerveau. Nous sommes tous ainsi faits et les psychologues de romans sont de bien sots animaux, qui veulent déduire les idées les unes des autres. Comme si toute idée n’avait pas une, deux, dix faces, et comme si la raison qui fait suivre ces faces multiples sur notre conscience était saisissable…