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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

fille de ton genre peut demander pour se donner de toutes les façons… »

Je n’avais pas de bijoux, les miens étant restés chez moi. Je ne voulais, quand j’avais quitté la maison, plus rien devoir qu’à Gauthier, mon mari

J’étais vierge, je n’avais aucun métier possible, pas de vêtements, sauf ceux que je portais sur moi, pas d’amis, pas de métier, rien… rien… rien… Si, j’avais vingt francs, car les renvoyer à mon père… comment aurais-je pu ?

— Diable. Mais vingt francs, ce n’est pas rien…

— C’est même un peu trop, mon petit, pour pouvoir, plus tard, se vanter qu’on a été sans le sou…

— Il est certain que vingt francs c’est la troisième étape de la fortune.

— Fichez moi la paix avec vos paradoxes de gaudissards. Vingt francs, c’est bien moins que rien. C’est un « rien » plus pénible à supporter que le vrai, car au lieu de vous donner la seule angoisse de la réalité immédiate il vous donne la souffrance des lendemains imaginés. On les voit toujours pires que la vie ne saurait les fournir…

— C’est vrai : ce qu’on attend fait plus de mal avant d’advenir que lorsque c’est devant vous…

— Parfaitement ! On use à l’attendre la force même qui vous aurait permis, si c’était venu tout droit, de vaincre.

Mais je me reprends :

Je couchai cette nuit-là dans l’hôtel où j’étais allée la veille. Le lendemain, je mangeai un peu le matin et le soir. Le surlendemain, à mon lever, il me restait six francs…

J’avais passé la veille à errer en méditant. Méditant sur quoi ?