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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

Je souris quand Gauthier me conta tout cela. Que m’importait ?

Et je lui proposai d’aller faire une petite promenade sur son monstre autour de Paris.

Il accepta. Il aimait passionnément conduire.

À quatre heures nous roulions doucement hors la Capitale.

Gauthier me montra des demeures châtelaines où habitaient les trusters de l’alimentation, des lainages, de la cotonnade, des sucres ou du papier. Nous fîmes un vaste tour. Mais, à un moment comme nous étions sur une route admirablement droite et montante, je vis Gauthier ardre du désir de faire de la vitesse. Je lui dis :

— Si nous marchions un peu plus vite ici ?

Sa figure s’éclaira. Il eut envie de m’embrasser et je fus émue par son geste, émue comme je ne l’avais pas été jusque-là. Je me demandai si le soir je le renverrais…

Il me dit :

— Idèle, prenez mon bras.

Je passai, pour être tenue, la main, sur son biceps et nous partîmes…

Une sorte de fièvre nous tenait tous deux. Cette alcoolisante sensation de maîtriser l’espace, de multiplier sa propre présence, de régner sur les choses, qui est la folie propre à l’automobilisme, nous la goûtions ensemble avec acuité. Il se tourna un moment vers moi, et voyant mon visage radieux, cria :

Idèle, nous sommes faits l’un pour l’autre. Quelles joies la vie nous réserve !

Je fis oui de la tête… Alors…

D’un fossé venait de jaillir un chien, un danois énorme. À soixante mètres il parut se jeter sur notre route. Gauthier sembla tirer le volant à lui. Je le regardai et vis ses yeux, d’un coup,