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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

tre moi. Il prétendait consigner à la porte du castel…

— Fichtre, tu ne nous avais pas dit que la féodalité avait veillé sur ton enfance…

— Quelle hargne elle a, cette Hérodiade ! Je le connais, le château des Javilar. Il est authentiquement du XVIe siècle, très chic et gracieux, comme on faisait si bien en ce temps-là : mi-brique, mi-pierre de liais.

— Ne me coupez pas tout le temps. Mon père voulait dresser pont levis et herse à Gauthier de Hastig. Gauthier avait un béguin pour moi. Moi itou pour lui. Il était riche, mais mon père me destinait à un riche bossu du voisinage — vous savez, le fils des chaussures « Nespil » : deux cents succursales en France ? Ils ont, dans cette famille, quatre-vingt millions de fortune et, en sus, sont tout nobles… autrichiens : barons de Nesserpihl Le bossu était le seul héritier de ses deux oncles et de son père. Grandiose !… Et il m’aimait. Je n’étais défendue par personne à la maison. Ma mère passait sa vie à l’église et dans les ouvroirs. Mon frère tripotait en Bourse. Je finis par admettre qu’il me fallut un jour choisir entre les miens et Gauthier de Hastig. Mon choix fut rapide. Un jour Gauthier — lui aussi, s’irritait des combinaisons de mon père qui était déjà l’objet d’une terrible campagne de presse pour ses affaires d’Asie — Gauthier vint me voir dans un village voisin de notre gîte. J’étais allée chez une amie de pension. Il m’avait attendue. Dans une ruelle, il put me dire ceci : « Idèle, venez avec moi. Je suis un homme et un homme d’honneur. Votre famille ferait votre malheur. Nous vivrons ensemble jusqu’au jour où vous pourrez faire des sommations à vos parents. Nous nous marierons alors. Jusque-là, nous sommes mari et femme. Les signatures et les sacrements, les lois