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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

bas, c’est la gare dont je perçois les lumières. Il me faut la gagner… et…

Mais je me heurte aux voies. Les rubans d’acier luisent là. Je ne sais pas où est le passage à niveau… Tant pis… J’écarte quelques lattes de la palissade et je traverse. Très net le bruit du roulement d’un train me vient aux oreilles, cette résonance musicale croissante qui annonce de loin la masse active roulant sur le ballast. Je suis maintenant sur la route. Je ne songe plus à mes écorchures, il me faut arriver à la gare pour m’embarquer…

Je me hâte. Mes muscles jouent aussi bien que de coutume. Je sens même en eux une rare légèreté. Elle me pousserait à tenter quelque records si…

Le train arrive, puissant et lumineux. La compound tire de son gosier des cris lents et métalliques. Je me précipite au guichet avec quelque argent. Une femme ahurie me donne le précieux carton. Je laisse la monnaie et court sur le quai. J’empoigne la portière d’un compartiment comme retentit le sifflet du départ et je n’ai pas encore fermé le loquet que déjà nous sommes sortis de Saint-Come. Dans le halètement démesuré, je me sens emportée, je me sens sauvée…

Et voilà…

— Mais… et puis ?

— Puis rien. J’étais seule dans le compartiment. Je pus remettre un ordre suffisant à ma vêture, faire tomber tout le sable qui m’avait envahie en grimpant le mur, épingler une déchirure de mon corsage et prendre l’aspect d’une ouvrière qui rentre chez elle sans chapeau.

À l’arrivée, un fiacre me conduisit at home… et l’affaire était close.

— Mais le cocher ?