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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

Qui que ce soit survienne, je subirai tout…

Ma gorge est étreinte comme par une main, un frisson glacé coule dans mes vertèbres… Je m’évanouis…

Combien s’est-il passé alors ? Deux minutes ou une heure ? Je ne sais.

C’est l’aboi lointain d’un chien qui me fit reprendre contact avec les choses. Je l’écoutai, cet aboi, comme une musique délicieuse…

Un instant passa durant lequel je compris que le rythme de la vie était en moi normal. La force me revint.

J’allongeai mes deux jambes. Je n’avais rien de cassé. Je m’inspectais de la tête aux pieds avec la peur tragique de trouver quelque part une vaste plaie anesthésiée à force de saigner. Je n’avais rien. Sous le genou une petite blessure suinte. C’est peu. L’avant bras gauche est contusionné, c’est moins encore. À la figure je trouve une trace granuleuse qui va des yeux à la bouche. J’ai dû longtemps pleurer.

Je me lève. Tout m’est douloureux, mais avec plaisir je sens mes muscles froissés qui, peu à peu, fonctionnent moins mal…

Et voilà que me revient comme un vice l’idée de savoir ce qui s’est passé dans le jardin. Le silence est trop grand. Il excite en moi une étrange curiosité. Mais pour doucher cette idée, je songe que le cocher de Tallurac est peut-être sorti à ma poursuite. Qui sait s’il ne me cherche pas dans la nuit et le silence…

Cela me remet au centre des réalités. Je fais deux pas, j’en fais dix… Vite, éloignons-nous de ce coin de terre où j’ai failli perdre beaucoup de moi, y compris ce moi…

Où aller ?… Je marche au hasard et voilà que sur un tertre je reconnais la forme du pays. Là-