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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

Bref, je ne menai pas le coup du tisonnier là où il fallait pour accomplir sur le champ la destinée de cette brute. Une force secrète dévia le mouvement. Le tisonnier frappa à la pointe du sternum. Le coup fut violent.

Rejetée en arrière par la réaction, je revins m’accoter au bureau ; mais mon satyre, atteint au bon endroit, se ferma comme un livre et chut à terre sans un mot.

Je laissai tomber l’arme et courus à la fenêtre. Ah ! sortir… L’espagnolette jouait mal, les emboîtements n’étaient plus d’équerre et coinçaient. Il me fallut un temps infini… deux ou trois secondes, pour faire jouer la fermeture. Je tirai violemment et faillis tomber. J’étais encore devant les volets.

Un rage me prit. Je frappai du poing ces bois pleins, dont je ne voyais pas le système de réunion. Derrière moi un souffle de bœuf égorgé retentit et s’accéléra… Je n’avais pas le temps de me retourner… J’avais laissé mon arme là-bas… Une angoisse me saisît aux épaules et faillit m’abattre là…

Je grimpai sur la fenêtre et compris enfin la fermeture. Je relevai l’espèce de tige enfoncée de chaque côté dans un panneau et poussai… Les vantaux s’ouvrirent… Je sautai…

Je sais sauter. C’est un art. Il faut se retrouver solide et stable sitôt qu’on a touché le sol. Il faut qu’on y prenne contact sans déplacer l’axe de sustentation du corps. Ce n’est pas sorcier, mais peu savent sauter proprement… Mes pieds s’enfoncèrent à peine dans la terre et la penchée en avant me permit d’éviter cette secousse que les chaussures à talons haut donnent alors à la colonne vertébrale.

Je vis le rectangle de lumière s’étendre sur les massifs et les pelouses jusqu’au fond du jardin. Je sentis un air tout neuf, un air souple et parfumé remplacer dans mes poumons cet air puant