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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

de toute ma vigueur, de tout mon courage, bandée comme un arc, je décochai à l’homme un coup de pied puissant en pleine face.

Le talon de ma chaussure frappa droit au menton, ma nuque rebondit sur le bureau. Mes os, du pied à la hanche subirent une secousse rude. Ma jambe gauche fut lâchée net et le cocher porta ses deux mains à sa gorge avec un cri aigu. Le coup à la pointe du menton est redouté en matière de boxe…

Mais je n’attendais pas plus. Son effort pour m’écarter les cuisses avait eu comme résultat de me placer en porte-à-faux. Entraînée par mon geste je me trouvai soudain assise, puis debout devant l’autre qui oscillait en tenant sa mâchoire à pleines mains.

D’un geste violent je ramenai ma main droite armée en arrière jusqu’à la limite de l’articulation. Puis je pointai le tisonnier, de toute ma vigueur, comme un escrimeur qui se fend, de tout mon corps tournant sur la jambe droite, appuyant des hanches, du torse et de l’épaule le lancer de la tige de fer.

Je visais au ventre, à droite où se tient le foie. D’un coup je le tuerais… Il était débraillé et les vêtements ne le protégeaient plus. Ah ! ce coup… Je revois encore son départ. Mais, quand on a su s’éduquer, le meurtre est impossible même dans la rage qui me tenait.

Être assez maître de certains instincts pour que ceux-ci soient toujours dominés, voire lorsqu’ils semblent régner, voilà ce qu’il faut apprendre. Quand les hommes seront capables de rendre leur morale aussi naturelle que l’est aujourd’hui l’instinct du meurtre ou de la propriété, ils auront cessé d’être des animaux… Ce n’est pas pour demain…