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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

Mon cœur battait à grands coups. Je sentais le sang affluer partout en moi comme une énergie nouvelle. Je ne voulais pas, je ne subirais pas… Mes yeux tournaient par la pièce sale et poussiéreuse pour y trouver une arme. Un scalpel, un flacon de vitriol, n’importe quoi. Il suffit de savoir utiliser avec sang froid ce qu’on a. Une aiguille à sutures, si je l’avais eue, m’aurait paru puissamment défensive. Quoi ! dans la cavité orbitaire, bien poussé croyez vous pas que ça puisse servir ?

Je tournais toujours. L’homme était infatigable, et je me demandais cette fois si je ne fléchirais pas avant lui. Quel exercice, de fuir dans un emplacement de six mètres carrés !… Il y avait là quelque chose de déprimant et d’ahurissant qui finissait par me donner une irrésistible envie de faire autre chose. Je me sentis lentement agacer et je perçus avec précision que cette belle confiance, cet optimisme amusé qui me tenaient tout à l’heure ne dureraient pas longtemps. Et puis, il fallait en finir. J’étais dans une maison isolée et nul du dehors n’entendrait mes appels. Devant moi, cette bête brute allait s’irritant sans cesse. Je voyais ses pommettes couleur sang de bœuf et ses yeux portés, eut-on dit, au bout de pédoncules. S’il m’atteignait maintenant, ce n’était plus le viol seul, mais la mort évidente. Il apaiserait ses sens et sa colère, une colère animale dont les témoignages me frappaient de minute en minute.

De temps [en temps], il prononçait des mots vagues et des vociférations sourdes : « Chameau, garce, tu vas voir ». Il répétait : « Tu vas voir ta viande ! »

Et les fenêtres avec contrevents clos étaient à l’autre bout de la pièce. La porte refermée. Renverser la lampe et dans l’obscurité chercher a fuir ou simplement à le tuer ? Mais fuir où ? Le tuer