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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

la valeur d’un postulat, faute de s’offrir en raisonnement complet et bien engrené. Par suite, je ne discutais pas. Une simple irritation me venait de ne pas encore connaître mes moyens d’échapper à cette brute. En somme j’étais comme ces gens qui s’encolèrent de ne pouvoir retrouver un nom propre qu’ils sont assurés de connaître. Mais je n’avais aucun doute sur l’impossibilité de satisfaire le désir que manifestait le cocher de Tallurac ; encore qu’il le manifestât de façon vraiment bien agressive…

Nous tournâmes un instant, l’un suivant l’autre, autour du vaste bureau. Ce jeu me sembla d’abord facile. Je suis agile et le « satyre » serait lassé avant moi. Un optimisme grandissait dans mon cœur. Je faisais attention à maintenir toujours au moins une face et demi de la table massive entre mon poursuivant et moi. Nous allions de droite à gauche et de gauche à droite. J’avais l’esprit libre et me croyais en bonne posture pour échapper.

Mais il y eut un accident. À certain moment, l’homme fit une feinte et me trompa. L’excès de confiance en soi est une arme à deux tranchants. Il gagna presque tout un angle de bureau et il était quasi sur le même côté que moi. J’accélérai ma fuite et la rapidité me rejeta en arrière au tournant. Je perdis un mètre peut-être. Avec un grognement le cocher se jeta sur moi. Sa main toucha mon bras et glissa sans qu’il put faire de prise. Farouche, je me ruai en avant et, pour tourner si je puis dire, à la corde, au ras du meuble, je m’accrochai au classeur. L’autre voulut me suivre. Cette fois il fut à son tour victime de la force tangentielle. Il reperdit son avance et vint se heurter au fauteuil de Tallurac qui l’arrêta…

J’étais sauvée, ce coup-ci…