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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

légèreté digne de l’Eisen des Contes de La Fontaine. J’allais prendre l’œuvre du Capitaine de Dragons, lorsque la lumière vacilla comme sous un violent appel d’air. Levant les yeux, je vis le cocher de Tallurac poussant la porte que j’avais fermée soigneusement.

Il avait un grand couteau à la main. Je ne compris pas le sens de sa présence sur le champ et le regardai avec stupeur. Puis, je devinai qu’il avait ouvert en introduisant la lame entre le pêne et la gâche de la serrure.

Personne n’ignore ici que je ne suis ni timorée, ni peureuse. L’entrée de cet individu armé d’un coutelas me parut théâtrale et non point menaçante. Je lui dis d’une voix impatiente et sèche :

« Eh bien ! qu’est-ce que vous voulez ? »

Il me regarda, la lumière était médiocre, mais je vis nettement son visage excité et vultueux. Soudain, il jeta le couteau à terre et s’approcha. Ses yeux exorbités se fixèrent sur mes jambes haut visibles du fait de ma situation et de la brièveté des jupes à la mode. Il était à deux pas lorsque, d’un trait, je compris ce qui le poussait. Littéralement, il me possédait déjà dans son âme de brute. Il venait automatiquement, comme hypnotisé, et je crois qu’il était déjà… en transes…

D’un bond preste et exact je sautai du haut de l’escabeau sur le bureau de Tallurac. De là à terre du côté opposé à l’homme. Ce fut exécuté vertigineusement. Un craquement de stylographe écrasé par ma descente brutale sur le bureau encombré, ponctua seul mes gestes. J’étais sous la protection du meuble immense portant des piles de livres, un classeur, et une boîte à poisons.

À dire vrai, je n’éprouvais encore aucune peur. Une inquiétude purement intellectuelle me tenait seule. Je croyais savoir que dans peu de minutes je serais sortie de ce lieu. Mais l’idée n’avait que