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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

fragiles, les campagnes se déroulaient sous un ciel de nacre, de pourpre et d’or.

Les horizons avec leurs collines aux courbes déliées semblaient peints sur une toile de fond tant leur grâce élégante semblait continuer et illimiter les dénivellations rythmiques du sol.

Une douceur anxieuse et attristée sourdait des lointains vêtus de brume. Le soleil avait disparu dans un décor de grisaille et d’écarlate. La mort du jour prenait, par le silence et l’espèce de buée qui monte au ras de terre dans le crépuscule, un aspect de drame Eschylien. Le roulement de la voiture, le bruit des sabots du cheval, la vastitude décorée, où pas un être n’apparaissait, la décoloration du ciel envahi au levant par un énorme nuage couleur d’acier, tout faisait sur moi une impression puissante et mélancolique. Elle demeure encore aujourd’hui présente dans ma sensibilité malgré cette multitude de ciels où j’ai cultivé l’aventure, la tristesse, le désir et les regrets. Sous la stratification des souvenirs les plus aigus, celui-là reste vivant. Sans doute avons nous tous, en tant que nous est perceptible une des formes de la peine humaine et des beautés qu’elle cultive parfois et qui la rachètent, quelque image émouvante en notre mémoire. Et c’est pourquoi il est des heures où quelque poème Lamartinien trouve en nous une résonance, malgré l’artifice ampoulé et la vacuité du lyrisme…

— Ly, nous ne te connaissions pas poète…

— La nuit avait rassemblé toutes ses ombres lorsque nous rentrâmes.

J’étais lasse et courbaturée en descendant de voiture. Mes débuts dans ce domaine de l’activité médicale m’avaient apporté un grand dégoût. On m’a souvent dit immorale ou amorale dans ma vie. Mais vraiment, je souris de la moralité d’êtres qui