Page:Renee Dunan La Culotte en jersey de soie 1923.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

rence, intérêt, je ne sais ce qui explique la rareté des poursuites, mais je mettrais ma main au feu que le crime est quotidien. Depuis ma visite en cette maison pauvre et tragique, je n’ai jamais vu quelqu’un mourir inattendu sans me demander qui l’avait tué. Je ne vous cacherai pas que, grâce à des questions scabreuses aux gens que je soupçonnais, j’ai quelquefois connu l’auteur ; du moins j’ai vu des faces terrifiées, décolorées et hagardes, qui valaient bien des aveux…

Comme, enfin, voulant savoir le contenu des flacons pharmaceutiques qui avoisinaient les piles d’écus, je m’approchais de la table, une femme, avec un grognement de chien auquel on arrache un os, vint les enlever sous mon nez.

Je haussai les épaules et signai le permis d’inhumer. Après tout ces gens avaient été éduqués dans la certitude que seul l’argent compte et que l’avarice est une vertu sociale. Personne ne leur avait enseigné — du moins avec autorité — qu’il y a d’autres noblesses morales que la fortune. Au contraire, sans doute avaient-ils entendu toute leur jeunesse vanter les combinaisons du châtelain voisin, du maire et de tel autre qui avaient su faire des choses mauvaises et profitables. Ces hommes importants étaient honorés. Leur « sujets » suivaient la loi morale qui s’impose par un exemple d’autre valeur documentaire que les rabâchages d’un instituteur, oubliés depuis si longtemps et que personne de puissant ne met en acte…

Je fus conduite ensuite chez un couple extraordinaire. L’homme avait une face anémique et terrifiée qui laissait croire à je ne sais quelle action possessive de la femme : Elle, un orang-outang farouche et athlétique, me regardait avec des yeux de menace tandis que je questionnais le malade, neurasthénique et bafouillant. Il devait porter soit