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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

basse et isolée au fond d’un petit vallon, parmi des pâturages encore verdoyants.

La morte était une paysanne de quatre-vingt ans. Dans la demeure, je trouvai les héritiers, avec des mines de brigands, en train de se disputer l’héritage. Quel étrange spectacle : Une pièce sans fenêtres avec un seul jour étroit au fond et la porte qu’on avait fermée en signe de deuil. Je la fis ouvrir en grand. Elle se composait de deux parties, la moitié du haut et celle du bas, et les héritiers voulaient que la moitié du haut fut suffisante. Ils se mirent à parler entre eux à voix basse pendant que j’examinai rapidement si quelque trace nette soit de sévices soit de mort louche apparaissait. Tout était sans dessus dessous dans la maison. Sur la table, au milieu, il y avait deux piles de pièces de cent sous et deux flacons stiligouttes. Le lit avait été tiré dans l’ombre, car je voyais le chemin qu’on lui avait fait tracer et son ancienne place restait apparente. Les quatre individus présents : deux hommes et deux femmes, respiraient une cupidité si cruelle et farouche que l’idée qu’on avait tué cette vieille femme pour en hériter, vous venait sitôt à l’esprit. Chose curieuse, je sentais que ma présence impressionnait beaucoup plus ce quatuor que n’aurait fait celle de Tallurac. Lui devait être jovial et bon enfant. On le connaissait vraisemblablement ivrogne. Il savait les mœurs du pays. Mais moi, qui devais avoir une face attentive et soucieuse, avec mon papier et le stylo que j’avais posés sur le lit pour rédiger la reconnaissance de décès, je les inquiétais sourdement. C’est là que je compris quel pouvoir redoutable possède le médecin en matière sociale. Il ne faut pas douter qu’il y ait chaque an des milliers de crimes commis pour hériter. Que le médecin donne le permis d’inhumer et l’affaire chaque fois est close. Ignorance, indiffé-