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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

l’immense brûlure fut un danger mortel. Et pourtant la fièvre faisait déjà des ravages sur ce masque affaissé. Quelle étrange situation que celle-là ! Cette fois je devinai pourquoi tant de médecins affectent des manières bourrues jusqu’à la brutalité. C’est par défense contre la sottise et ce « conservatisme » qui rend les gens si méfiants de tout ce qui n’est pas l’idéale potion, remède parfait, dont la gloire héritée des philtres de magie reste inébranlable dans la transformation des doctrines et des procédés thérapeutiques.

C’est devant la pauvre femme à la brûlure que le dégoût commença à naître en moi de ce métier qui repose sur des trucs de rebouteux, des hiéroglyphes d’ordonnances dépourvues de toute justification et cette obligation du mensonge. Car il faut mentir, mentir sans répit devant toutes ces figures confiantes et aimantes. Mentir avec seulement un espoir faible de faciliter ainsi l’acceptation d’une minime vérité. Cela réclame des siècles d’hérédité dans la tromperie. C’est un métier d’homme, certes ! Ce sont les hommes qui ont habitué des générations innombrables à ne pas les croire et qui entraînent à tous les degrés de l’échelle sociale les pauvres hères dont se fait la masse des peuples à voir la vie dans le mensonge : du médecin qui ne dit pas ce qu’il pense, au ministre qui conte des fables éhontées pour attirer les votes, en passant par le commerçant qui, ne voulant dire exactement les qualités de ce qu’il vend, croit devoir les exagérer outre mesure et ce « tout le monde » enfin qui affirme à tous les octrois de France « je n’ai rien à déclarer »…

En sortant de là, je fus conduite au lieu où il [y] avait un décès à reconnaître. Le cocher avait décidément organisé la tournée avec art. Je m’arrêtai cette fois devant une espèce de chaumière