Page:Renee Dunan La Culotte en jersey de soie 1923.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
34
LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

arrêta près d’une demeure isolée et bourgeoise. Je descendis. Une bonne jolie et sale, sentant le fumier et l’eau de Cologne, me conduisit près de la malade :

Je vis une femme nantie d’une atroce brûlure de l’avant-bras. Une brûlure profonde et purulente qui ne donnait aucun espoir. Il fallait couper vite. J’allais le dire tout-à-trac, quand on me conta que Tallurac était certain de conserver le bras. Il n’avait recommandé que le bain dans un liniment, à l’aide d’une cuvette ad hoc.

Devais-je dire ma pensée ? Si j’avais été certaine que la femme suivrait mes conseils, je n’aurais pas hésité à expliquer la vanité de cette cuve et du liquide devant une telle plaie. Mais je compris que Tallurac n’avait fait que respecter la volonté initiale de la malade. Il soignait comme on acceptait de se soigner. Vous connaissez l’horreur des paysans pour l’amputation. Elle est d’origine religieuse. Ils craignent quelque chose d’autre que la mort et la perte d’un membre.

Ils ont idée de je ne sais quels envoûtements magiques, de possession et autres imaginations bizarres. Au bout de cinq minutes je compris que pour la brave femme à la brûlure l’idée d’une amputation était en soi déshonorante et comportait des dangers inconnus. Qui sait si une personne amputée sera autorisée à venir au jugement dernier dans la Vallée de Josaphat ?…

Et ce pauvre être était pourtant plein de bon vouloir pour tout, hors les soins indispensables. Elle me nommait Docteur avec un intraduisible accent d’affection.

Pourvu que je dise comme elle, son amitié resterait assise. Au besoin elle m’aurait couchée sur son testament. Mais il ne fallait pas supposer que