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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

à fait idiot. Il faisait vraisemblablement la bête pour éviter un interrogatoire serré. Son étonnement était grand de me voir lui ficeler le pouce et je crois aujourd’hui qu’il comparait mon procédé avec celui de Tallurac. Quand je l’eus soigné, je pensai aux recommandations du médicastre touchant les cheminots. De plus j’avais envie d’essayer mon autorité. Je pris une belle feuille administrative et je donnai à l’individu dix jours de congé avec traitement. La chose, étant indiquée comme licite, je laissai ouvertes toutes les écluses de la générosité.

Je crus bon de faire aussi une ordonnance pour des reconstituants alcooliques dont il paraissait que le client devait avoir le respect. La Compagnie payait. Un peu plus j’allais lui demander s’il avait femme et enfants pour leur offrir des toniques et tout ce dont ils auraient besoin. Je me retins.

Après déjeuner ; une agape aussi gaie que celle du soir la veille avait été sinistre, car le soleil entrait par trois fenêtres et dansait sur les murs garnis d’assiettes, ma foi, anciennes, et pour la plupart jolies ; après le café absorbé devant l’orgue à bouche des bouteilles de liqueurs que la cuisinière avait apportées en rang devant moi, je fis atteler. J’allais commencer cette fois à exercer mon office. Car, c’est en descendant du cabriolet devant la porte des malades que le médecin de campagne acquiert et développe sa majesté.

J’avais une liste de visites à faire, plus un décès à reconnaître, qu’on était venu annoncer le matin au jour.

Le cabriolet était d’un modèle vétuste mais agréable et il était heureusement bien suspendu. J’étais appréciablement séparée du cocher, chose plaisante, car cet homme avait un regard faux