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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

eaux et charger les gendarmes de faire observer mes arrêts ; fermer l’atelier de locomotives sous un prétexte d’hygiène transcendant, passer la revue de la population, langues tirées et thermomètres où je pense ? Ah les beaux projets. Le certain est que je ne m’en irais pas sans laisser un souvenir mémorable dans l’esprit des populations. Comme, en revenant de la gare, je traversais la rue principale du bourg, la seule digne du nom de « rue » d’ailleurs, j’entendis trois commères s’entretenir à mon sujet dans le patois du cru, que je parle aussi bien que les croquants. L’une disait : Qu’est-ce que c’est que cette petite « drollière ? »

Car un « drôle » c’est un garçon et une « drollière » c’est une fille ; le vrai féminin de drôle : drôlesse, étant devenu, comme garce féminin de gars, nettement péjoratif, tandis que drollière est cordial.

À quoi une autre répondit :

Paraît que c’est la sage-femme…

J’eus une forte envie de pouffer, mais la dernière ajouta :

Que non ! La bonne de Monsieur Tallurac m’a dit que c’était la « Docteuse » qui le remplacerait pendant qu’il est parti.

Et les trois bavardes gloussèrent de joie en disant ensemble :

Elle va commencer à soigner le cocher…

Je ne compris pas et faillis, à ma rentrée, demander, au dit cocher s’il était malade ; mais, réflexion faite, je pensai qu’il était préférable de n’avoir rien entendu de cette remarque… dont le comique m’échappait.

La chambre qu’on m’avait réservée était charmante, tendue d’azur et ensoleillée.

Le cabinet de consultations était, lui, très moche, obscur, bas et puant. Il donnait sur le jardin, au