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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

carafe ». Il était ignoble, Tallurac, quand il avait bu son enfilade d’alcools.

Je voyais venir le moment il allait même se livrer à des familiarités de taverne, mais il lui fallait terminer ses bagages. Je m’éloignai moi-même pour faire le tour du propriétaire dans sa turne.

Il habitait en pleine campagne une demeure isolée, entourée d’un délicieux jardin. Je fis le tour de cet Eden, ceint de hauts murs partout et remarquai par hasard en un angle une série de trous alternés qui faisaient échelle. Quelqu’un devait s’en servir pour sortir parfois. Cela me fit songer que le personnel domestique m’était encore inconnu. Je revins à la maison. J’y trouvai la cuisinière et le cocher, mari et femme. Ils avaient ces physionomies campagnardes, illisibles, qui peuvent cacher les pires crimes et les cœurs les plus parfaits.

Je rendis encore visite à l’écurie pour faire connaissance avec le cheval qui me mènerait chez « mes » clients et je vis la voiture, un cabriolet sans faste.

Tallurac partit enfin. Je l’accompagnai à la gare, pour recevoir ses dernières recommandations. L’express arriva. Mon médicastre sauta dans un compartiment « réservé » et me fit des amitiés par la portière. Tout partit enfin…

J’étais désormais en possession de ces pouvoirs intégraux que donne le titre de médecin sur la santé et la vie des êtres.

À trois lieues à la ronde ma souveraineté s’imposait. Décidément c’est une belle chose que l’autorité. Je me sentais pousser une âme Néronienne. Que ferais-je de vraiment neuf, de grandiose ? Allais-je diriger la santé du pays comme on fait faire aux soldats du maniement d’armes. Brûler les demeures insalubres, décréter la potabilité des