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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

également en prenant grand soin de ne pas leur dire qu’ils se portaient bien. Ils auraient fait venir six médecins de Paris aussitôt. Il y avait une liste de malades possibles, de ces gens qui appellent régulièrement un « medicanti » pour des maux incertains mais périodiques. Une brève indication en face de chaque nom était destinée à m’éviter les erreurs de diagnose, fréquentes quand il s’agit de gens très bien portants. Il y avait encore une liste de grossesses en voie de finition, des agonies, vraisemblables, de personnages à bout de leur rouleau et des conseils sur la façon de traiter les employés de la gare. À deux kilomètres, en effet régnait un grand dépôt de locomotives. Il fallait être extrêmement généreux et cordial avec les prolétaires de cet atelier. Tallurac rêvait de se faire élire député aux élections prochaines et la propagande des cheminots non moins que leurs votes lui semblaient choses à soigner. Il commençait à être cynique, Tallurac ! Il m’expliqua les « trucs » de son métier. À trois lieues de là vivait une antique châtelaine chez laquelle il allait faire tourner les tables. Il y était médecin, mage et bouffon à la fois. Son ambition était de figurer sur le testament de la « vieille taupe » comme il disait. Quand il « serait sur l’olographe », il pourrait lui faire passer le goût du pain…

Il avait aussi une maîtresse et un gosse à cinquante kilomètres dans une ville importante. Cette fausse famille vivait plus près naguère, mais, depuis qu’il visait les millions de la « vieille taupe » il l’avait éloignée. Tallurac, sitôt en possession des biens meubles et immeubles qui lui seraient dévolus pour avoir fait rire une vétuste douairière, songeait à se marier. La fille de Marburger, le chocolatier du pays, n’aurait plus qu’une dot égale à sa fortune et il épouserait le chocolat Marburger. Alors il laisserait le pseudo-ménage « en