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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

comme vous me voyez faire, sans que la critique me corne aux oreilles.

Je pense que vous ne regrettez pas que le marquis de Valsaudry soit ce que vous le voyez être — cela vaut d’ailleurs tous les autres métiers qu’il pourrait lui seoir pratiquer — puisque vous lui devez un refait de courage. Je doute fort qu’il vous ait été possible en effet de « tenir », comme conseillent de faire à leurs mortaises les ébénistes et… les banquiers à leurs clients, à cette heure ingrate où le jour va poindre et ou la fatigue est mauvaise conseillère. Car, n’est-ce pas, tu couchais dehors ?

Le café était noyé dans une brume pâle. Le rectangle de la porte se teintait d’un bleu tendre et délicat. Et les passants de la rue, les balayeurs, les derniers errants de la nuit Parisienne semblaient des ombres d’un bleu plus tendre agitées sur le fond d’azur.

C’était le jour.

Valsaudry me regardait attentivement…

— Petite ! je regrette de t’avoir dit que ma maîtresse fut plus belle que toi. Je l’ai fait pour ne pas sembler chercher à te plaire, car je voyais bien que tu fuyais les hommes. Mais enfin je n’aurais pas dû. Tu es plus jolie qu’elle. Ce qui est admirable c’est cet accord entre ton regard et ta bouche. Tu parles sincèrement de toute la face. J’ai longtemps cherché une femme telle. Je ne cherche plus et, j’aurais tort, car ni toi ni moi ne nous sentons de taille à nous aimer. Mais enfin ce qui caractérise les faces humaines dans les sociétés modernes depuis trois ou quatre siècles, et les portraits de femmes le disent tout net, c’est le divorce des traits du visage. Les jeunes filles passent leurs jeunesse devant leurs miroirs à faire dire aux yeux ce que la bouche dément et à plier