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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

— Bombé va te la donner.

— Ah non, reprend l’autre, je ne donne rien du tout. C’est moi qui l’ai filochée et amenée dans le filet. Le gibier m’appartient.

— Qui veux-tu ? me demande la blonde, toujours royale.

Je me tais, regardant autour de moi pour espérer un moyen de fuite. Mais la rue est muette et sinistre. On n’entend aucun pas, même lointain.

— Allons ! décidez-vous, dit le plus âgé des hommes avec impatience.

Une femme murmure :

— On va pas se faire mater pour bavasser des heures autour d’une gosse qui, demain, se sera fait la dja…

— La dja ! dit le Bombé. Non, mais sans char ! Si elle veut se faire mettre six pouces de lame dans le bide…

Celui qui me dispute au Bombé et qu’on a nommé Biskra vient à moi.

— Amène-toi, gosse ! On va laisser tomber cette bande de renaudeurs. Ils sont tous pleins aux as et me disputent mon gagne pain…

Le Bombé s’avance aussi.

— Mon vieux ! les six pouces de lame, si tu les veux…

L’autre me quitte et d’un geste prompt lève le bras. Je vois une flamme blanche vaciller au bout. C’est un couteau.

— Bombé ! tu nous cours. Décambute ou…

Mais l’autre sors à son tour une lampe puissante dont j’entends claquer le ressort.

— Biskra, dit la femme très belle avec ironie, si tu l’avais arrangé avant qu’il ait ouvert son lingue, t’aurais eu la flouse. Maintenant, tu pourrais bien te faire sonner !

On a formé le cercle. Les deux femmes âgées me font une garde d’honneur.