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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

bout et en trois minutes, haletante, je me trouvai à l’abri.

La pluie maintenant tombait avec violence. Le cœur battant, je regardais les sillages lumineux balafrant l’air. Il faisait froid. Je grelottais.

Un quart d’heure passa. La pluie tombait toujours. Pas une trace de vie n’animait ce coin désolé de la grande ville.

Seuls, des taxis, suivant plus loin la chaussée d’Antin, animaient d’un bruit léger la sombre mélancolie de ce refuge ouvert à tous vents. Le dos à une devanture je tremblais désespérément.

Et voilà que de la rue [du] Helder vient un pas rapide. Une femme surgit à mon côté. Élégante, parfumée, elle s’approche.

— Eh bien, mon petit ? Que fais-tu là. Ça ne va pas, le turbin ?

Je secoue la tête en signe d’ennui. À quoi bon s’expliquer ?

Elle me pose la main sur l’épaule cordialement.

— Pourquoi viens-tu dans ce quartier ? Tu es jolie, je le vois. Mais, en tifs, tu es bonne à te faire ceinturer. Tu ne peux pas truquer ici sans danger.

Elle reprend :

— Je parie que tu es planquée pour les bourres ? Ils étaient tout à l’heure devant Pousset. Ah ! mon petit. On en fait un métier nous autres !

Je la regarde. Elle est gracieuse et inquiète. Tous les cinq mots elle regarde derrière, comme si elle craignait je ne sais quoi.

Elle frappe du pied à terre :

— Chameau de temps. Cette flotte, crois-tu, quelle jambe. Pas moyen de me démurger d’ici. Tu parles que Sa Pomme m’en filerait si j’arrivais avec mes frusques trempées. Et pas un croq pour prendre un sapin ?