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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

Je craignais à la fois de lui parler trop gentiment ce qui lui eut semblé encourageant ; et trop brutalement, ce qui pouvait l’irriter.

Il hésita. Enfin il m’arrêta d’une main robuste.

— Que fais-tu là ? Si tu cherches un homme, tu ne trouveras rien de mieux que moi. Là-bas (Il désignait le Faubourg Montmartre dont la lueur était visible au bout de la rue). Là-bas, tu ne verras que des barbeaux…

Il avait l’air bon. En somme, en me confiant à lui, peut-être me permettrait-il, par un prêt, de louer une chambre pour cette nuit. Je lui rendrais son argent demain.

— Monsieur, mon hôtelier m’a mis à la porte pour un jour de retard à le payer. Voilà pourquoi je traîne dans Paris. Je suis dactylo chez Moadillo, un gros exportateur d’à-côté. Prêtez-moi de quoi louer une chambre et dites-moi où je pourrai vous rembourser.

Il m’écouta comme s’il était ému. Je me fis une seconde d’illusion. Mais je fus détrompée :

— Ah ! Ah ! petite coquine, tu dis être à la porte de chez toi. C’est ton amant qui t’a balancée comme ça. Je ne suis pas né ce matin. Tu veux cent sous. Je te les donnerai. Viens avec moi…

Il se pencha et dit violemment :

… Ou je te fais arrêter par les flics pour vagabondage…

Je me redressait et répondis net :

— Fichez-moi la paix, Monsieur, ou moi, je vais chercher les agents pour les propositions que vous me faites. Nous allons voir qui de nous deux…

Il se calma, et je m’éloignai. Quand je fus à vingt mètres une incroyable collection d’injures me vint. De loin, l’homme me déversait sur la tête tout le dictionnaire d’argot. Je me hâtai de fuir.