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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

Je me fouillai… Mon porte-monnaie était resté sur ma table dans la chambre. Je ne disposais même pas de quoi aller prendre une tasse de café en un des nombreux bars bon marché dont Paris est semé.

Cela me donna un coup. Je restai cinq minutes à réfléchir bêtement, debout devant l’hôtel dont garçon et patron devaient me guetter et s’esclaffer. Je le compris et m’éloignai.

Il était près de minuit. J’avais neuf heures à passer dans la rue. Neuf heures… Était-ce possible ? Je me répétais : neuf heures… neuf heures… et dans l’hypnose de cette répétition tout sens disparut des mots.

Il fallait encore qu’à neuf heures je fusse toujours capable de me tenir devant ma machine à écrire. Il me serait impossible de rien raconter à Moadillo. Mais sembler normale pendant trois heures de travail, après neuf heures de vadrouille dans Paris !

Y parviendrais-je ?…

Je marchais toujours, d’un pas tranquille. Je surveillais la rue. Le plus ironique de ma situation consistait en ceci que, nu-tête, je devais, pour ne pas attirer l’attention, sembler une femme pressée qui sort d’un lieu et va vite dans un autre. D’où l’urgence de ne pas flâner. Flâneuse, je semblerais une pauvre fille faisant la retape et me ferais ramasser. C’était une situation pleine de périls.

Trouver un coin où je puisse somnoler quelques heures sans crainte et sans peine… Ah ! c’est le problème angoissant que des milliers de malheureux voient posé chaque soir devant eux. Certains le résolvent. Mais il y a toute une étude, une compétence que je ne possédais pas.

Je triturai ma mémoire pour y trouver un souvenir utile. Une de ces choses qu’on enregistra