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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

sentiment allait me faire reprendre l’escalier quand le garçon me poussa.

— Craignez rien, il est à l’entrée, il fume sa pipe.

Je me trouvai à la porte de l’hôtel. Le patron était bien là. Il me regarda en silence et tendit une main large.

— Payez ! le reçu est tout prêt

— Je répondis : demain matin, sans faute !

Il reprit la voix égale :

— Tout de suite…

— Demain matin, dis-je encore…

Il me saisit par le poignet, me fit tourner sur moi-même, et rentra dans l’hôtel ; puis il referma la porte avec un ricanement :

— Vous rentrerez quand vous aurez le montant de la chambre. Pas avant !

Je me trouvais jetée dehors à onze heures et demie du soir. Je savais n’avoir pas assez d’argent pour louer une chambre ailleurs. C’était terrible, mais, après l’absence d’argent, l’absence de coiffure apparaissait la disgrâce pire. Une femme qui marche sans rien demander à personne peut passer pour aller à son travail ou en revenir. Seulement, surtout la nuit, il faut porter sur la tête un objet qui ne vous laisse pas « en cheveux », car il n’y a aucune femme honnête pour être en cheveux après minuit à Paris. Ma situation était tragique. Après un accès de découragement, je me dis qu’il devait tout de même me rester quelques sous dans mon porte-monnaie. C’était ce qu’il fallait pour passer une heure ici, une là, dans des cafés de nuit. Je parviendrais de cette façon à neuf heures du matin, moment où j’étais employée chez Moadillo. À midi je prierai mon patron de m’avancer deux cents francs sur mon mois à venir dans dix jours. L’espoir me revint alors.