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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

Les femmes ont la langueur qui menace et le fléchissement qui vainc. Les jambes lisses et glacées de soies claires, trépidantes ou croisées, voluptueuses ou rigides donnent à la conversation amusée et cynique leur discrète salacité : courbes turgides des mollets affilés descendant aux chevilles étroites ; caresse des jarrets entrelacés, plénitude d’une chair ambrée transparente sous le lacis sérique. Ça et là, un genou cambre le tissu transparent et luit comme un fruit, tandis que les bouches arquées découvrent les dents nettes, au rythme des mots lents suivis de gestes rares et félins.

Les serviteurs s’affairaient parmi les timbales d’argent et les flacons stilligouttes. Entre leurs mains naissaient des mélanges complexes et opalisés. La flamme des alcools passa dans les corps, incendia les prunelles, porta au centre des vies frémissantes son ardeur et ses énergies.

Chacun se taisait. Des buissons de rosiers Bengalis entourant le groupe émanait une lubricité sucrée. Le vent traîna au sein de cette senteur voluptueuse un relent d’humus pourrissant.

« Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir » murmura Hérodiade en fermant les yeux…

Un grand oiseau passa ramant lentement dans l’air violet. On voyait ses pattes repliées et la détente propulsive des vastes ailes souples…

— Commençons à conter, dit Laly aux paupières étroites.

— Oui ! qui sait si nous pourrons fermer ce collier de gemmes vives ?…

— Le présage est beau, murmura Idèle en désignant le grand rapace qui tournait vers le nord.

— Bon ou mauvais, très chère, il ne saurait nous faire oublier le Memento quia pulvis es, aujourd’hui de si tragique actualité.

— Qui débute ?