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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

Un effort encore. Nous touchons cette terre molle et semée de radicelles. Je voudrais m’y cramponner. Il n’y a rien. Enfin, je vois tout près un fragment de racine. Je l’étreins d’une main comme le bras d’un dieu sauveur.

Me voici sauvée peut-être…

De la gauche passée sous l’aisselle de Lucienne et allant jusqu’à l’autre bras je la tiens ferme. De la droite je suis accrochée à la tige de bois. Et maintenant…

L’eau coule en remous autour de nous. Il me semble que le corps de mon amie se refroidit contre le mien. Et moi, suis-je fatiguée, vais-je pouvoir…

Pouvoir quoi ? Il y a vingt mètres d’ici à la petite anse. Partout la berge domine la rivière de un à deux mètres. Pourrai-je monter Lucienne ici… Où devrais-je la ramener là-haut ?

Allons nous rester ici… jusqu’à ce que…

Je me rends compte que ramener Lucienne à l’anse est impossible… Je vais tenter de la hisser ici. D’abord sur la tige, si je puis… Je m’arc-boute à la terre, et, le torse en voûte, je tente de monter le corps jusqu’à la racine puissante et placée là comme un agrès de gymnastique. Une fois, deux fois, j’échoue. La troisième je parviens à placer Lucienne sur la branche, tenue par les bras et équilibrée par le courant. Elle est encore loin de la terre ferme, mais ne plonge plus qu’au-dessous des hanches.

Je me tiens collée à la rive, et cherche à reprendre de la force. Que vais-je faire maintenant ? Si Lucienne avait encore un peu de force pour s’aider, elle pourrait sans doute se cramponner là-haut à tout ce qui sort du sol. Je l’aiderais et la suivrais. Je me sens soudain entraînée. L’eau se refroidit étrangement. N’ai-je plus la force de me maintenir ici. J’ai descendu comme si on m’avait