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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

Autour d’une table aux pieds sveltes, surchargée de flacons polychromes, des sièges aux formes disparates étaient habités par de beaux corps. Huit femmes variant la grâce et les certitudes de séduire :

Ly, obstinée en des regards possessifs ;

Idèle, affaissée comme une favorite et portant une inquiétude en ses yeux glauques ;

Kate, trop mince et garçonnière, avec un col courbe et des pupilles traînantes ;

Hérodiade, masque tourmenté et acide, jambes repliées et doigts frémissants ;

Yva, sombre et combative, le poil couleur de houille et déjà semblable à une idole aux sclérotiques immuables.

D’autres encore……

Et trois hommes venus de terres lointaines au rendez-vous lointainement promis…

Des mâles encore fussent présents si le destin n’avait pas, en quelque coin perdu de la planète, aboli traîtreusement la vie en eux.

Deux femmes aussi ont connu la disparition du monde en leurs rétines lentement obscurcies.

Et l’on ne parle pas d’elles parce que leur beauté les désignait pour la mort ignominieuse que donne la harde bestiale des révoltés.

Tous sont un peu semblables à des émaux byzantins. Une roideur tient les hommes attentifs : Les torses prêts à faire face et les jambes en ressorts tendus. Ils savent que la douceur de l’air et les promesses de la nature sont offertes surtout aux agonisants. L’ironie de la joie coite et subtile qui tend son mirage en ce soir caressant leur est sensible. Mais ils savent aussi que les fatalités hostiles viennent rarement sur ceux qui les guettent. Et ils savent sourire.