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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

Il nous était interdit de prendre aucun bain dehors sans la présence d’un garde bon nageur, qui devait à cette occasion être flanqué de la femme de chambre de Madame Biquerine, une anglaise vigoureuse et autoritaire que nous redoutions. De plus, il ne fallait se baigner qu’en un petit étang nanti à grands frais d’une plage artificielle avec quelque trente tonnes de sable fin.

Or, si nous pouvions perdre Gérard le Garde. Celui qui était chargé de surveiller Gérard, François, se trouverait perdu par la même occasion et nous ferions à notre gré…

Le plus curieux est en ceci que jamais nous ne transgressions les ordres et que les gardes n’avaient eu jusque là aucune occasion d’intervenir dans nos actes. Cette docilité cachait un besoin d’affranchissement que l’aventure de l’étang aux poissons avait fait développer outre mesure.

Comment faire ?

Nous passâmes l’après-midi à combiner des plans irréalisables. Mais, à la fin, j’eus l’éclair de génie :

— Voici ce que nous ferons demain, Lucienne : Nous ne sortirons d’abord qu’avant déjeuner. Après, nous nous mettrons à faire de l’aquarelle, à peinturlurer la pelouse et tout ce qui se voit de ta fenêtre. Bon !

Vers quatre heures Gérard et François mangent. La femme de chambre mange, tout le monde se gave, quoi, et ne pense plus à nous. Nous en profiterons pour gagner, par le couloir qui suit le mur, la tourelle de gauche. Nous descendrons sans bruit et il suffira de sauter par la petite fenêtre couverte de lierre. Nous serons hors des vues de face et des vues de dos, pourvu que les gardes soient à l’office. Nous tâcherons d’atteindre la corne du verger. S’il y a quelqu’un dedans nous seront fichues pour nous sauver, mais s’il n’y a personne