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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

une série de décors artificiels charmants mélangés à des bocages naturels farouchement romantiques : tels un point chinois avec des rochers, une cascade et un étang entouré d’une futaie presque impénétrable, des bois qu’on avait laissés tels depuis plus d’une génération d’homme, le sol feutré avait une douceur et un parfum étonnants, et des prairies, bordées de barrières blanches, où des chevaux se livraient à des galopades divertissantes. Que sais-je encore ? Des pavillons étaient dans ces quatre mille hectares de biens, semés ça et là. Tous contenaient des ameublements divers et choisis. C’était une belle chose que cette propriété des Biquerine.

Lucienne et moi avions toute liberté de faire ce qui nous plaisait. Mais deux gardes, le premier chargé de nous surveiller en silence, le second chargé de surveiller le premier afin qu’il observât strictement les consignes, ne nous quittaient pas d’une semelle. C’était toutefois discret. À peine voyions nous parfois la silhouette de ces gardes ; jamais ils ne nous adressaient la parole.

Biquerine était un type organisateur et autoritaire. Ses vassaux, c’est ainsi qu’il faut désigner les gens qui vivaient sous sa « mouvance », l’aimaient beaucoup, mais il ne fallait pas manquer d’observer une règle qu’il avait une fois édictée.

Derrière le « Château » passait la rivière. Les deux rives appartenaient à Biquerine, mais il y avait aussi des enclaves étrangères qu’il n’avait pas encore pu acheter, notamment des terres appartenant à la Comtesse de Bragassac, son ennemie mortelle : une pauvre femme ruinée que Biquerine voulait ruiner plus encore en des procès absurdes que les relations du puissant marchand de Quinquina lui permettaient toujours de gagner.

Tant il est vrai que le meilleur homme du monde à ses côtés de férocité.