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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

viéra Italienne. Elle était Génoise, mes aïeux paternels étaient Vénitiens.

Donc, sitôt les vacances venues, je passais huit jours près de la Louptière dans une maison emplie de tableaux pieux, dont, je crois, quelques uns avaient une immense valeur. Puis je filais chez les Biquerine jusqu’en octobre. Cette année-là, bien que nulle rentrée de classes ne fut plus en vue pour moi, je fis comme les autres années. Ma mère désirait malheureusement, dès la fin de l’automne, m’emmener dans ses voyages. Elle était belle, romanesque et égoïste. Avec moi je l’avais toujours vue froide lointaine et perdue dans une sorte de rêverie inspirée par la fumée des cigarettes qu’elle fumait sans répit. Je n’ai jamais connu sa vie ni son cœur. Mais pour le moment je ne m’intéressais qu’à l’idée d’aller chez Lucienne Biquerine. À chaque jour son souci. Lorsqu’il faudrait traîner en dahabieh sur le Nil ou manger du saucisson au fenouil il serait toujours temps d’y songer.

Je partis donc chez les parents de Lucienne.

Ils m’aimaient beaucoup. Plus, peut-être que leur fille. Je n’ai pas encore compris cela. Il y a des choses étranges dans les familles liées sans être parentes. Je me suis demandé parfois si Biquerine ne trouvait pas plaisir à déverser sur moi un trop plein de tendresse pour ma mère. Peu importe au fond. Je me trouvais au plus haut degré de félicité lorsque j’arrivais dans cette propriété vraiment féodale.

Le château ou plutôt ce qu’on nommait de ce nom n’avait rien de châtelain. C’était une maison à tourelles, commode et bien bâtie sans aucun sacrifice à la dignité du paysage.

Mais devant cette maison commençait une pelouse vaste et admirable, faite de gazon comme ils n’en ont qu’en Angleterre. Hors la pelouse c’était