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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

— Rengorgeons nous ! L’avenir du genre humain repose peut-être sur onze êtres orgueilleux, voluptueux et riches en caprices…



Jacques, puisque seul tu connais le langage de tes serviteurs, dis leur donc de nous préparer quelques-uns de ces cocktails qui aident la poésie du crépuscule…



Jacques, glabre et maigre, la peau tannée et les yeux vert d’huile, leva un bras en l’air. Deux serviteurs souples et féminins s’approchèrent. Ils reçurent des ordres avec attention.




Le soleil tombait mollement à l’Occident. Des écharpes de mousseline rose paraient son déclin. À travers les arbres fraîchement velus de folioles il caressait d’un pinceau doré les profils, les poses et les objets. Au nord, il jetait sur un petit château fluet et artificiel dans son architecture d’ironie, tout un prisme de clartés folles. Le charme puéril des murs mélangeant la brique rose et la pierre crémeuse, les toits à poivrière des tours d’angles, la volute de l’escalier médian à la façade, la sveltesse des fenêtres agacées de rideaux versicolores, toute la grâce alambiquée de cette demeure s’en trouvait rehaussée et soulignée.

Le parc s’étendait vaste et muet au-delà d’une pelouse herbue nuancée d’absinthe. Au loin, les arbres avaient de la majesté et les troncs revêtaient cette couleur charnue que donne le soleil couchant aux écorces neuves. Au-dessus des corps sveltes ou robustes, assouplis aux dossiers et aux accoudoirs, le feuillage clair répandait une tiédeur acide. On voyait le zénith semblable à une aigue-marine.