Page:Renee Dunan La Culotte en jersey de soie 1923.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
138
LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

pondances classiques : Sévigné, par exemple, et des réflexions, entendues dans nos familles, que nous jugions hautement épistolables. Le tout empli de marques bibliques d’affection. Évidemment il y aurait eu pour un lecteur mâle, pourvu qu’il fut sot, matière à raisonnements sans fin sur notre corruption. Ainsi en eut-il été de l’analyse des formules amusantes que chacune colportait avec plus ou moins d’à-propos.

Irène de Madraga, celle qui a épousé le fils de Dragoni, l’ancien ministre, disait sans que j’aie jamais su où elle avait pris ça :

« Ma chère, tu sais, mon cousin, il m’a embrassée partout. »

Elle voulait dire qu’il lui avait embrassé le bras jusqu’à la saignée, mais personne ne le lui aurait fait avouer. Elle devinait, sans d’ailleurs s’y attacher le moindrement, que cette formule avait un sens plus complet et se bornait à la redire.

Cela constitue l’évidence même, la plupart des fillettes ramassent, sans y chercher malice, des morceaux de phrases souvent scabreux. Elles devinent qu’il s’y cache quelque chose d’ésotérique et, par suite, préfèrent ne pas commenter parce qu’elles sentent qu’il en est là comme d’une traduction latine ou anglaise : On peut deviner le fond sans savoir nettement comment dire ce qu’on devine. Mais de là à admettre qu’aucun vice se cache sous ces débris de citations d’argot, de langage militaire, de réflexions féminines ou masculines familières, il y a un monde.

C’est avec Lucienne Biquerine que m’est advenue l’aventure la plus saisissante de ma vie. Rien d’amoureux, toutefois.

— Ah ! voilà notre quatrième émotion. Nous avions fini par disputer des plus hauts problèmes de la politique et de la morale sans penser que nous avions des souvenirs à entendre encore…