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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

entoure a mauvaise renommée et les masses, affolées, redeviennent crédules. Des murs solides et élevés nous protègent et mes Tibétains sont de fidèles gardiens. Nulle part le globe ne nous offrirait un asile semblable et nous jouissons, en surplus, du rehaut sentimental d’être proches des fureurs ennemies…

— Mais des avions pourraient voir ce coin civilisé, qui doit se manifester là-haut par le château et ses pelouses, les jardins et l’ordre qui y règne…

— Idèle ! il n’y a plus d’avions. Les intellectuels ont succombé. Il ne subsiste que des masses illettrées et stupides.

— Cela, c’est leur triomphe…

— Il doit pourtant résister un peu partout comme nous des gens qui philosophent en attendant le hasard. S’il consent à les servir ?…

— Certainement ! Mais nous sommes privilégiés par mille choses et surtout par l’amitié qui nous tient tous depuis des années et que rien ne dissout ; par les Tibétains que j’ai ramenés, par la ressource et l’isolement de ce coin de terre, par notre expérience qui fait de chacun ici un sujet d’intérêt pour les autres, par…

— Enfin quoi ! nous sommes l’ovule d’où sortira, si nous vivons, la civilisation future…

— Pourquoi non ? Crois-tu qu’au quatrième siècle de notre être il n’a pas fallu, au milieu de ces invasions de barbares détruisant tout, qu’il subsistât, par petits îlots, de subtils et intelligents gallo-romains pour transmettre en les éduquant le flambeau à ces sombres brutes venus de la forêt Hercynienne. Sans cela la civilisation actuelle serait en retard de quinze cents ans. Le nom de ces hommes a été oublié. Mais on trouve chez Sidoine Apollinaire une vision de telles choses et l’auteur les vécut.