Page:Renee Dunan La Culotte en jersey de soie 1923.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
126
LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

de gymnastique qui réclame la vigueur la plus décisive. J’y parviens et dégage de la droite la jupe engagée dans des ficelles qui durent servir à étaler et faire sécher des torchons. Je sens l’étoffe qui redescend sur moi comme un rideau. J’ai la tête libre enfin. Alors, tandis que je relâche la tension du bras qui va céder, j’ai le temps de voir, d’un dernier coup d’œil, l’intérieur de la pièce avec la femme toujours ahurie et stupide près de son fourneau et…

Les trois soldats irruant en bloc par la porte qui cède enfin…

Pendue à la barre d’appui, je vais lâcher et sauter, quand, devant mon menton, je vois, je touche une plaque d’étain en volute qui dut jadis abriter un auvent. Je la prends vite d’une main, puis de l’autre. Je gagne ainsi d’une détente un espace important. Sitôt à bout de bras, je lâche, car je tremble de voir arriver à la fenêtre les soldats furieux. Je ne me trompais pas. Je touche le sol et chancelle une peu. Au même instant, un bloc hurleur s’encadre là-haut. J’entends des injures que je ne comprends pas. Je regarde une seconde ces pans d’ombre découpés sur la lumière vague de l’intérieur, puis je me baisse, je cherche à terre ma serviette que je ne veux pas abandonner. La voici. Alors, d’un pas de gazelle poursuivie, je détale comme une ombre, pendant que l’air vibre des hurlements du soldat encastré dans l’étroite baie et qui apaise par des cris une fringale qui n’avait rien de verbal…

Je fuis éperdument. Rien ne m’intéresse autour de moi. À peine regardé-je le sol pour ne pas me ficher par terre. Encore, vu l’obscurité, presque parfaite, est-ce tout à fait vain.

Je passe par une rue grouillante que je n’avais pas encore vue. Sans doute est-on accoutumé dans cette populace à voir fuir des gens. Personne n’en