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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

clair. Devant, le peignoir, non tenu, baille. Je vois la poitrine énorme et roulante. Plus bas je constate que le costume de la femme est constitué par une simple chemise d’où sortent les jambes à bas noirs pareilles à des colonnes. Vraiment au moment où je vais croiser cette femme elle me fait presque peur et la peur devient authentique parce qu’elle me sourit.

Oui ! c’est idiot, mais c’est tel. Si elle ne m’avait pas souri je lui aurais peut-être demandé mon chemin. Ce sourire me terrifie. Je savais bien que ces métiers de prostitution existassent. Mais dans mon imagination, je croyais que les femelles soumises devaient être lamentables, menées au fouet, asservies peut-être avec une chaîne au pied. En tout cas, les maisons qui les abritaient devaient être des prisons inflexibles et farouches, les victimes pleuraient jour et nuit des larmes de sang. Elles m’eussent, comme je les songeais, inspiré pitié et je n’aurais point répugné à leur parler. Mais une prostituée de maison qui prend le frais à sa porte, comme tout le monde, avec l’air bien-portant et jovial ! Mais qu’elle m’adresse un sourire ! Vraiment, j’étais suffoquée. Et, comble d’horreur, elle ouvrit la bouche pour m’adresser la parole.

Ah ! cela dépassait les limites. Je marquai un écart et m’enfuis. J’eus le temps de l’entendre dire :

— Eh ! petite ! pas par là ! pas par là !

Je me précipitai par un chemin qui coupait à gauche. Zut ! c’était une impasse. Un peu plus, j’allais me demander comment franchir les murs pour [ne] pas revenir en arrière quand je vis une voûte qui continuait. Je m’y enfonçai sans hésiter.

Il n’y avait pas place pour deux personnes. Je touchais les murs de mes deux mains sans écarter les bras du corps. Et cela durait, s’allongeait indéfiniment J’en devenais enragée. Quoi ! je n’allais