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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

pure qui me gonflait la poitrine. Brusquement je me décidai à continuer. Une seule restriction se formula :

Je ne m’en vais pas sans savoir un peu enfin ce que c’est que les ruelles. Mais il va falloir faire vite.

Je m’avançai dans la rue. Elle se contordait de telle façon qu’à dix mètres on ne voyait ni devant ni derrière soi ce qui s’y passait.

Bientôt elle rétrécit. Une sorte de tour massive en bouchait absurdement la moitié, sans que rien expliquât la présence de cet apostème. Elle fit ensuite un angle droit et je vis cette fois des maisons sur la rue même, les seules. C’étaient des hôtels cacochymes et sans doute peu habités. Toutes les fenêtres du rez-de-chaussée étaient garnies de barreaux de fer prodigieusement vieux, car amenuisés et réduits à rien. M’approchant, je vis même qu’on avait élevé un mur ou une cloison derrière ces grilles. Ainsi ces rez-de-chaussée n’avaient aucun jour sur le passage. Qui pouvait vivre là-dedans ? Je me le demandais avec curiosité, mais le jour décroissait vite, je ne m’attardai plus.

Je tombai ensuite dans une voie misérable et puante. Je la parcourus vite. Des gîtes branlants et malsains la bordaient. Tout y était si muet que je n’aurais pas cru ces maisons habitées. Mais aux fenêtres, des linges et des vêtements dansaient au vent.

Deux fillettes, sales au delà de ce qui semble croyable, sortirent d’un couloir qui jetait dans la rue une odeur vermineuse. Elles me regardèrent avec des yeux inintelligents et tristes. J’allai plus loin. Cette fois c’était un affreux couloir. Je faillis rebrousser chemin tant la terre était chargée d’immondices, mais je me vis dans une rue à magasins.