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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

qu’on expulse aujourd’hui, était surveillé là-bas tel qu’on le ferait encore. S’il s’était évadé, on l’aurait rattrapé illico.

Non ! les chemins de fer, le téléphone et autres « bienfaits de civilisation » ne sont pas grand chose. Cela peut se perdre. De même, on peut détruire les monuments. Le temps le ferait tout seul. C’est anticiper seulement. On peut brûler les bibliothèques, les littératures renaîtront seules et toujours conformes aux âmes qui les goûtent. Mais une fillette violée par une horde de barbares ou d’anciens civilisés redevenus animaux, cela m’apporte une peine plus grande. La vie seule a des droits. Non les créations humaines qui se renouvelleront tant qu’il sera des hommes. Mais la vie, voilà la chose parfaite, la chose fragile et délicate qui vaut seule tous les livres et tous les édifices. LA VIE ! Et une enfant porte cela en elle comme un permanent miracle. Que des brutes le viennent souiller. Ah ! je ne puis y songer sans colère…

— Tu as gardé ta pensée d’avant le cataclysme.

— Je n’ai qu’une pensée. Et puis j’ai vu cela. Je l’ai vécu…

— Elle a raison. Le goût de s’individualiser est maladif quand il pousse à renier les seules belles choses que les vieilles théologies avaient révérées et qui nous sont chères par tant de fibres ancestrales…

— On ne peut pas tout juger sous l’aspect de la morale Nietzschéenne.

— Mais vous savez bien que la conception du Maître, qui règne et fabrique des superéthiques, finit dans la paralysie générale. Je crois bien que cette conversation nous indique un moyen de charmer les heures à passer ici. Que celles-ci soient longues ou que la plèbe vienne nous assiéger.

— Comment ?