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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

était parfaitement combiné. Je passai des heures sur le plan de la ville pour trouver la route la plus prompte menant au quartier redoutable. Il fallait aussi établir l’ordre et la méthode de mon exploration. Je partirais d’ici, je suivrais telle voie, puis telle autre et enfin après des tours et détours que j’avais calculés d’avance avec minutie je me retrouverais à tel endroit, qui, par telle rue, me ramènerait le plus directement au gîte familial.

On peut dire que j’ai pâli sur ce plan. Je sus vite tous les noms des Ruelles et je les imaginais à ma façon, je me promenais en songe dans leur dédale reconstitué à coup de littérature romantique. Je me voyais comme une voyageuse de l’agence Cook, armée de son Baedeker, qui suit avec fidélité les indications et les croisements.

Je voulais faire mon enquête avec une méthode parfaite. La brièveté du temps m’en faisait d’ailleurs une obligation.

Le grand jour arriva. Personne chez moi ni au lycée ne soupçonnait mes idées. Au surplus même après cette excursion, je n’en parlerais à quiconque. C’était pour ma seule édification et le plaisir de mieux comprendre la vie que j’agissais. Je ne voulais rien de plus que ces satisfactions égoïstes et sans répercussion possible sur d’autres âmes.

Ce fut un mardi. Il faisait un soleil exquis et amollissant. Chacun était propensé à la douceur et à la bonté par ce regain d’été venu parer l’automne. Je me souviens encore, parce que mes soucis me firent prêter une attention plus vive aux choses qui ne concernaient pas mes projets, que le cours de l’après-midi portait sur Homère. Je retrouve le son de voix puéril et décidé de la petite Polonaise, Eda Edomsky, lisant les vers de l’Iliade : Bé d’imen es thalamon poluphloisboio thalassés

Il y en avait qui tentaient de prononcer le grec à la moderne : le thêta en sh l’êta en i et les autres