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LA CULOTTE EN JERSEY DE SOIE

— Voilà donc : je préparais mon bachot au lycée de Z. J’étais, soit dit sans me vanter, une fillette délurée et audacieuse. D’ailleurs pure comme des idiots disent qu’on ne l’est plus depuis qu’on sait pourquoi les gosses ne se font pas par l’oreille. Mais le contenu du mot pureté est incompréhensible aux béotiens. Ils regrettent seulement le temps du « petit chat est mort… » moliéresque. J’étais pure en ce sens certain que je n’attachais aux idées sexuelles, qui m’étaient familières, aucune valeur supérieure à l’importance de la fabrication des confitures par exemple… Or, je n’aime pas les sucreries. Jamais je ne songeais à ces choses-là en dehors du point de vue études.

J’étais curieuse de tout savoir, pour le plaisir de la science elle-même ; mais de ma vie je n’avais relié l’idée des fonctions de reproduction avec celle d’un garçon beau ou laid, ni avec la pensée de mon corps à moi. Certes, j’étais autrement chaste que les « oies blanches », comme j’en ai vu durant les vacances. Mes parents me menaient alors aux bords de la mer, ou à la campagne chez les amis qui, en été, nous invitaient à passer souvent huit jours chez eux. Les jeunes filles que je fréquentais là ignoraient l’anatomie et la physiologie. Elles ne savaient pas scientifiquement comment ça se pratique, mais elles passaient leur vie à converser de choses obscènes en termes d’ailleurs secrets pour les parents, quoique prodigieusement lubriques au fond. Elles étaient hantées de la connexion des sexes et s’exerçaient à y songer. Leur âme était loin d’apparaître aussi claire que celle des lycéennes de rhétorique, toutes aussi renseignées qu’un gynécologiste, mais de cœurs admirablement chastes. La chasteté, chose ignorée, ne se perd pas avec la science, mais, je l’ai vu, elle va rarement avec l’ignorance. J’étais donc dépourvue de tout vice même en puissance. Un seul