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Il voulut réagir :

— C’est une hallucination !

Et, étendant un doigt en avant il toucha Pygette.

Elle eut un long frisson parfaitement simulé, montra des yeux démesurés et chuchota :

— Non, ce n’est pas un songe.

Puis elle ouvrit les bras comme pour une étreinte.

Le sang du duc lui sauta au visage. Il avait été élevé au Collège Stanislas, où on lui avait appris la peur des embûches du diable qui, chacun le sait, se déguise parfois en jolie femme pour acheter les âmes et les mener en enfer. Il fit donc au préalable avant de s’abandonner à son instinct, un signe rituel de protection. Comme l’image féminine ne disparaissait pas, assuré qu’elle ne fût point satanique, il laissa tomber la lampe et s’élança.

Le temps de dire ouf et le dévouement de Pygette à la duchesse atteignit son plus haut point. Car le duc n’avait rien de l’amoureux tendre et attentif à la joie de sa partenaire. Il y allait comme une brute épaisse. Ça n’était d’ailleurs pas tant divertissant pour sa partenaire. Sous le lit sautant et sonnant, l’infortunée épouse vérifiait en tremblant que les époux trouvent souvent pour des fraudes en ménage un élan et une vigueur qui leur manque vis-à-vis de la passion légitime. Les réflexions philosophiques que cela pouvait amener à la conscience de la pauvre dame n’en semblaient d’ailleurs pas très limpides, car la crainte les obscurcissait.

Cependant, Pygette, irritée d’être prise comme par un reître entrant dans une ville conquise, protesta :

— Dites, monsieur, vous êtes bien gentil, mais soyez un peu plus calme.

Le duc de Bofighne répondit :

Es-tu une incarnation du diable ?

Car ses craintes lui revenaient une fois l’apaisement venu.