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vi

Dans la cave


Pygette n’aimait pas les Anglais. Non qu’ils lui eussent fait aucun tort, au contraire. Dans sa vie de petite femme galante, elle lisait parfois les journaux aux heures d’attente ou d’ennui et se passionnait pour le problème des changes. On sait que rien n’est fascinant comme les choses incompréhensibles. Personne n’a jamais compris un mot à ce problème et c’est pourquoi il n’est pas un goitreux, un ivrogne et un illettré qui n’aient à ce propos toute une panoplie d’opinions disponibles. Pygette, qui ne voulait pas se distinguer du commun des hommes, se croyait donc assurée que les misères de la vie eussent les Anglais comme responsables. Cela parce qu’il existe de mystérieuses affaires, dites. « des dettes de guerre » et du change, lesquelles font que notre monnaie à perdu une partie de sa valeur. C’est la faute à La livre sterling disaient couramment les amants des amies de Pygette, gens très renseignés, et qui, passant leur vie au café lisaient jusqu’à dix et douze journaux quotidiens. Or, la livre sterling est une chose britannique, voilà pourquoi Pygette n’aimait pas les Anglais.

Tombée entre les mains d’un homme de cette nation et qui n’était pour elle ni un client ni un ami, la douce enfant se sentait dégagée de tous les devoirs de courtoisie envers ce personnage. Et cela d’autant plus qu’il usait et abusait d’elle de façon fort déplaisante. On a beau être une petite spécialiste en matière d’amour on n’aime ni à gaspiller sa science ni à la sortir tout entière à la fois.

Ainsi Pygette, silencieuse et n’en pensant pas moins, méditait le coup de Jarnac où un autre même plus dangereux — celui de Jarnac ne montant pas plus haut que le