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ses aisselles. Et, entre les seins, elle fait couler un mince filet de rose qui descend, qui descend et à certain moment lui apporte même une sensation de froid cuisant presque douloureuse. Maintenant elle peut sortir. Le temps n’est plus des chapeaux que les femmes ne mettaient jamais en moins d’une demi-heure d’essais. On se colle sur la tête, d’un coup et sans y regarder, un petit galurin viril et c’est fini.

Et Pygettte s’en va.

Dehors, c’est la rue agitée et son brouhaha. Les autos, petites voitures basses et sveltes, lourds carrosses de haut tourisme, camions et camionnettes se suivent, raclant le sol de leurs pneus ferrés. De temps à autre un autobus écrasant et majestueux passe dans un tumulte apocalyptique. Et la file continue comme une chaîne sans fin, avec ses hommes de toutes qualités accrochés aux volants. Autour de Pygette ravie du bruit et de l’agitation universelle, les petites bourgeoises vont d’un pas bref et saccadé acheter les provisions du déjeuner. Elles aussi portent leurs seins apparents comme la petite femme nocturne à plaisir. Et c’est tantôt des commères mamelues dont la poitrine énorme oscille et fluctue, tantôt de minces ménagères presque plates mais soucieuses de montrer qu’elles ne sont point des hommes déguisés. Les sacs en moleskine pendent au bout de bras surchargés de vinasses, de bottes de radis et de salades, Pygette ne remarque point tout cela, qui lui est trop habituel, mais elle voit une jolie femme arriver avec un carton à musique et elle est jalouse de cette fillette, riche sans doute, mais plus haut troussée pourtant qu’elle-même et montrant sans vergogne ses jarrets, plus bas décolletée aussi et dont les seins apparaissent presque jusqu’au mamelon. Pygette est jalouse. Elle sait bien qu’on lui reprocherait d’abuser de sa profession galante si elle s’habillait aussi court. « Voilà pense-t-elle, la pudeur devenue l’apanage des femmes qui vivent de la