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ENTRE DEUX CARESSES

En ce temps, lui tenait de tels dires pour des paradoxes vraiment trop insolents. Il voulait être honoré. L’hommage populaire lui semblait un compte exigible… Enfant !…

Et il ne pouvait refuser d’avouer que ce délire par lequel il avait cru se hausser au-dessus de tous les banquiers d’Europe, cette vanité vertigineuse restait, au fond, responsable de sa chute. Il s’était fait tant d’ennemis…

Ah, Jeanne !… Tu ne savais dire que la vérité… Tu jugeais la richesse comme il la faut juger ; du plaisir virtuel, qu’il suffit d’un rite facile, dit « achat » pour matérialiser ! Le reste, l’orgueil, la puissance, ce gonflement intime des prétentions illimitées, et pourtant satisfaites, ce n’est rien, un souffle l’emporte, et combien Jeanne l’avait compris…

Ainsi, plongé dans une sorte de méditation constante, l’ancien banquier devenait pour Aglaé l’amant parfait, dont on n’a rien à craindre, ni la tromperie ni les exigences. Et elle aimait…

Certes, elle ne se sentait point armée pour inspirer à cet homme qui l’étonnait de sa douceur et de ses réflexions, un amour unique et intégral. Mais elle espérait, par tant d’attentions délicates, le retenir et adoucir l’amertume dont elle le sentait pénétré. Elle se tenait l’âme enrichie par cet amour inconnu et puissant. Elle s’y donnait donc avec une sorte de grandeur secrète et magnifique. Humble de naissance, de vie, et d’esprit, elle en venait à ennoblir son instinct