— Pas du tout.
— Eh bien, je vais expliquer ce qui se passe dans ton esprit. Tu aimes toujours à imaginer une volupté étrangère dont tu serais la déesse inspiratrice, et cela, en retour, agit sur tes propres nerfs.
— Tu connais le fond des âmes, Jeanne. Mais toi, serais-tu seule hostile à cette excitation ? Je sais qu’elle tient aussi presque toutes nos pareilles.
Jeanne éclata de rire.
— Certes. Je ne suis pas si vicieuse que toi. Ni cette imagination réfléchie et réversible, ni l’homosexualité de ton « Page Bulgare » ne me sont agréables. C’est bien pour cela que j’en discute avec sang-froid.
— Trop froid…
— Où est la mesure, Fanny ? Pour dire un « trop » ou un « pas assez » il faudrait admettre une ligne de démarcation, au-dessus de laquelle commence ce « trop » et au-dessous de laquelle le « pas assez » apparaît, mais…
— Raisonneuse !…
— Nous sommes de deux races, Fanny, et nous portons des sangs différents. J’aime la mesure, même en volupté. Tu ne crois qu’aux perversités neuves et ton désir tend à outrepasser sans cesse ton expérience. De ce seul chef que c’est connu, tout te paraît banal.
— C’est vrai.
— Tu as vu passer Séphardi ?
— Oui. Il sort de la banque.