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ENTRE DEUX CARESSES

couru lentement, avec le train de marchandises, toute la contrée qui sépare le Languedoc de l’Île de France. Il avait fallu dix jours. Lui n’avait que rarement quitté son réduit sous la bâche du truck et cela sans jamais s’éloigner. Mais la femme, très habile et souple, comme habituée à ces étranges pérégrinations, deux fois s’était chargée de renouveler leurs provisions et même lui avait rapporté un chapeau. Elle était revenue toujours sans aucune difficulté. L’ancien banquier s’interrogeait encore sur le mystère caché derrière ce masque aigu et gracieux. Elle ne lui avait rien confié, rien…

Et pourtant ils s’étaient « aimés ».

Maintenant l’heure de la séparation semblait venue. On était près de Paris. L’évadé brûlait de se trouver dans la cité capitale, libre et solide, enfin, mais, par moments, il redoutait l’instant où il se verrait seul. Comme tous hommes il avait pu oublier un peu de sa misère au contact de cette femme étrange et fascinante. Elle séparait si étroitement son corps de son esprit, que, plus elle abandonnait l’un, plus l’autre restait hermétique. Il avait cru deviner que ce fût une espionne recherchée partout et signalée auprès de tous les gendarmes ou policiers de France. En tout cas, autant par passion pour son métier que par besoin de braver les coercitions, elle persistait à errer selon des itinéraires fixes pour recueillir des renseignements importants que des sous-ordres lui remettaient en certaines conditions mystérieuses.