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ENTRE DEUX CARESSES

— Oui… On l’avait déguisé en jeune fille…

— Tiens, il y a eu, je crois, sous le Premier Empire, une histoire de ce genre, une femme chirurgien sous Larrey, qui, en Allemagne, durant la campagne de 1810, épousa une autre femme…

— Et puis ?…

— Oh ! cela fit ensuite un de ces scandales que Napoléon détestait tant et qui, comme par ironie, foisonnaient sous ses pas. Mais il n’y avait, en vérité, pas de quoi fouetter un chat.

Fanny Bloch se mit à rire.

— On n’a pas trouvé cela si ordinaire hier soir. Il y eut des protestations. Mais les amis de l’auteur ont fait le silence. Tous portaient des matraques…

— Ils avaient raison. On n’est pas obligé de venir voir jouer le « Page Bulgare ». Qui paie les quarante francs d’un fauteuil accepte ainsi de respecter les bienséances du lieu. Elles consistent à écouter et à se taire, ou encore, si cela vous déplaît trop, à partir.

— Nous ne sommes pas du même avis.

— Je le pense bien. Toi, qui es de théâtre, et qui fais jouer des pièces, tu aimes ces atmosphères de bataille, le tumulte exaspère en toi cette rage de plaisir que tu portes comme un ostensoir.

— Comme… Tu exagères, Jeanne !

— Mais non, Fanny. Tiens, tu viens de regarder avec un vrai sourire de provocation cet homme que nous avons croisé. Tu n’as pas envie de lui, je pense ?