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ENTRE DEUX CARESSES

vers la terre. On épousait ainsi le tracé des grandes houles.

Sous une coupole de coton mouillé le vent cependant s’agitait plus férocement. Son tumulte, mêlé au froissement de millions de vaguelettes, devint assourdissant.

La terre apparut. C’était une tache roussâtre et plate. Plus tard on commença d’entrevoir les geysers d’écume qu’y créait l’écrasement du flot. Mais la réaction des eaux contraria et déséquilibra la barque secouée par des vents compliqués.

C’était la tempête.

Les deux basques se regardèrent avec un hochement d’épaule. Il faisait presque nuit. L’air grognait comme un immense troupeau de porcs affamés. Le bruit des flots en contact atteignait une amplitude cosmique. La voile réduite était encore excessive. Le bois de la coque grinçait sous l’effort de la puissance qui détruit les continents. L’homme du gouvernail mit droit sur la terre. On embarquait de l’eau depuis longtemps et il était vain d’écoper. Il fallait seulement quitter cette zone mortelle. Georges vit les dunes noires s’approcher. On percevait un goulet étroit. Il fallait l’embouquer net… À trente mètres une vague déporta le bateau à droite. Une autre le ramena. Un bloc liquide passa dessous, le mena au zénith et le laissa choir dans un abîme. La direction fut perdue et la voile frôla la mer même.

À ce moment un coup de vent énorme vint de l’ouest et la barque sembla cette fois se jeter sur